Short-cuts (13)
Tu as deux heures ma belle pour changer de vie. / Imaš dva sata, draga, za promijeniti život.
au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure
krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas
semaine du 11 / 4 / 16
Tu as deux heures ma belle pour changer de vie.
Altitude : 11 400 mètres. Vitesse : 800 km/h. Température extérieure : environ -40°C. Conditions météorologiques : plutôt favorables. Trajectoire : Croatie-Slovénie-Italie-Suisse-France. Placement : rangée droite, hublot, arrière. Siège vide à côté. Soleil en pleine figure. Pas désagréable. Aucun journal croate à disposition. Sandwich dinde-salade verte-cornichons-fromage frais au piment doux. Café, lait + sucre. Pas très bon. Deux serviettes en papier, rouges. 27 copies à corriger. Demain, peut-être. J’appelle J. avant le décollage. Nous ferons un documentaire sur le Bach d’Isabel. Sa voix est grave et cristalline et proche et lointaine. Rarement dans le même pays. Nous nous séparons du sol. Zagreb est du mauvais côté. Aucun point d’attache. Je pars. A chaque fois comme une odeur de fatalité.
Tu as deux heures ma belle pour changer de vie.
Dans la tête (liste non exhaustive et fluide) : pelinkovac de samedi soir (à l’ombre des jeunes filles en fleurs) / tahini / Anna Calvi à Zagreb quand je n’y serai pas / Rundek Cargo Trio à Zagreb quand je n’y serai pas / Barthes et Gide / ma petite M. devenue grande, sur 24 clichés argentiques, pellicule trop rouge / hôtel Palace / vinyasa flow / je ne lis pas assez / plusieurs milliers de Croates pieux à faire la queue pour voir la dépouille d’un saint (on dit "dépouille" pour un saint ?) / rentrer à pied à deux heures du matin comme jadis / copies à corriger / toujours pas de réponse de Paris Descartes / oublié d’acheter une carte postale / il y en a qui font de la politique, il y en a qui font des idéologies / concentre-toi sur les mots
Lost in translation
Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde. (dixit Wittgenstein)
Depuis huit jours je traduis Leslie Kaplan en croate. Louise, elle est folle. C’est un texte plutôt concret. Plutôt simple. Des mots, des syntagmes, une interaction, rarement des phrases entières. Or je peine à trouver des parallèles. On a volé mes mots. On a desséché la profondeur de mes synonymes. Ce qui fait tellement sens en français résonne artificiellement en croate.
L’hypothèse Sapir-Whorf affirme que notre perception du monde dépend de notre langage : le rôle de celui-ci dans nos représentations mentales – théorie qui flirte gentiment avec le relativisme anthropologique – serait d’organiser les frontières dans notre système de penser le monde. Est alors évoqué le fameux exemple de la langue inuit qui dispose de plusieurs dizaines de mots pour dire "neige" : neige qui tombe, neige sur le sol, neige cristalline sur le sol, neige ci, neige ça… Ou alors l’inexistence dans la langue française de l’équivalent, en un seul mot, de l’anglais cheap (car en français on n’est pas cheap on est chic…).
Mais que fait-on lorsqu’on a deux langues, chers Messieurs S&W ? A-t-on deux mondes ? Un monde scindé en deux ? Avez-vous pensé, Messieurs S&W, aux efforts à fournir afin de se construire une identité between ? A une frustration existentielle lorsqu’un ne peut, on ne peut car on manque de mots qui font sens dans les tripes, on ne peut traduire en français l’odeur des tilleuls à Zagreb à trois heures du matin après quatre verres de pelinkovac sur glace aux citrons ? Ou une autre frustration existentielle, lorsqu’on ne peut traduire en croate les rêves d’amour de Desnos, plus qu’une ombre, avant la mort in extremis à Theresienstadt ? Que peut-on faire ? Que peut-on faire ?
Tu as deux heures ma belle pour changer de vie.
novi tjedan : 11 / 4 / 16
Imaš dva sata, draga, za promijeniti život.
Visina: 11 400 metara. Brzina: 800 km/h. Vanjska temperatura: oko -40°C. Meteorološki uvjeti: prilično povoljni. Kurs: Hrvatska-Slovenija-Italija-Švicarska-Francuska. Mjesto: desla strana, do prozora, straga. Prazno sjedalo do. Sunce u oči. Nije neugodno. Na raspolaganju nema hrvatskih novina. Sendvič puretina-salata-kiseli krastavci-svježi sir s crvenom paprikom u prahu. Kava, mlijeko + šećer. Nije baš nešto. Dvije crvene salvete. 27 ispita za ispraviti. Sutra, možda. Zovem J. prije polijetanja. Snimit ćemo dokumentarac o I. i B. Glas joj je dubok i kristalan i blizak i dalek. Rijetko u istoj zemlji. Odvajamo se od tla. Zagreb je s krive strane. Nemam se za što primiti. Odlazim. Svakog puta kao osjećaj fatalnosti.
Imaš dva sata, draga, za promijeniti život.
U glavi (fluidan i nepotpun popis): pelinkovac od subote navečer (u sjeni rascvjetalih djevojaka) / tahini / Anna Calvi u Zagrebu kad ja nisam / Rundek Cargo Trio u Zagrebu kad ja nisam / Barthes i Gide / moja mala M. je postala velika, na 24 analogne i precrvene fotke / hotel Palace / vinyasa flow / ne čitam dovoljno / više tisuća pobožnih Hrvata u redu za susret s ostacima sveca (kaže li se "ostaci" za sveca?) / vraćati se pješice doma u dva ujutro kao nekad / ispiti za ispravljati / i dalje nema odgovora s Paris Descartesa / zaboravila kupiti razglednicu / neki se bave politikom, a neki ideologijama / koncentriraj se na riječi
Lost in translation
Granice moga jezika granice su moga svijeta. (kaže Wittgenstein)
Već osam dana prevodim Leslie Kaplan na hrvatski. Louise, elle est folle ili Louise je luda. Tekst je prilično konkretan. Uglavnom jednostavan. Riječi, sintagme, dijalog, rijetko cijele rečenice. No mučim se tražeći paralele. Ukradene su mi riječi. Isušene su dubine mojih sinonima. Ono što ima toliko smisla na francuskom zvuči umjetno na hrvatskom.
Sapir-Whorfova hipoteza tvrdi da naša percepcija svijeta ovisi o našem jeziku: njegova uloga u mentalnom poimanju stvarnosti – teorija koja simpatično flerta s antropološkim relativizmom – ostvaruje se u organiziranju granica našeg načina promišljanja svijeta. Evociraju se onda deseci različitih termina za snijeg u inuitskom: snijeg koji pada, snijeg na tlu, kristalni snijeg na tlu, snijeg ovako, snijeg onako... Ili nedostatak, u francuskom, riječi jeftino, koja se treba parafrazirati složenijim sintagmama (kad u francuskom ništa nije cheap, sve je chic...)
No što onda, draga gospodo S&W kada imamo dva jezika? Imamo li i dva svijeta? Jedan rascijepani svijet? Jeste li uopće pomislili, gospodo S&W, na napore koji se trebaju uložiti kako bi se izgradio identitet between? Na egzistencijalnu frustraciju kad ne možemo, ne možemo jer nam nedostaje riječi u dubini svog bitka, ne možemo na francuski prevesti miris lipa u Zagrebu u tri u noći nakon četiri čaše pelinkovca s ledom i limunom? Ili jednu drugu egzistencijalnu frustraciju, kad ne možemo na hrvatski prevesti snove o Desnosovoj ljubavi, Desnos koji nije veći od sjene čas prije smrti in extremis u Theresienstadtu? Što možemo napraviti? Što možemo napraviti?
Imaš dva sata, draga, za promijeniti život.
Short-cuts (12)
Tous ces performatifs des amours passés. / Svi ti performativi prošlih ljubavi.
au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure
krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas
semaine du 4 / 4 / 16
Elles sont blanches, encore, les Alpes. Blanches, et parfois bleues lorsque la lumière tombe à un certain degré à une certaine heure à une certaine température, elles sont bleu turquoise même, sur le support aux sels d’argent, bleues et plates car on est haut, haut, et on écrase la terre, et les disparités disparaissent dans la platitude du bleu lointain.
Le premier pas sur le tarmac. L’air est chaud.
Zagreb, c’est la nuit, l’odeur des tilleuls et du tabac. Plus de dualités. Une nostalgie heureuse, in praesentia. Tu nages. Tu regardes les fissures sur les trottoirs et des lits anonymes derrière les rideaux où tu faisais l’amour dans une autre vie. Une vieille voiture passe. Les jolies femmes dansent. Inspire.
Zagreb, c’est quand la France n’est plus qu’un concept [vue de l’esprit, idée qu’en se fait d’une chose en la détachant de son objet réel].
Le Musée des cœurs brisés
« Le Musée des cœurs brisés a été créé à partir d’une exposition itinérante autour du thème de relations qui ont échoué et de ce qu’elles ont laissé derrière elles. A l’opposé de recommandations « destructives » des discours de développement personnel pour faire face au chagrin et à la perte, le Musée offre l’opportunité de surmonter l’effondrement émotionnel par la création : en contribuant à la collection du Musée. »
Un devoir de maths, trois feuilles roses à carreaux, des graphes et des chiffres, derrière un cadre transparent à la hauteur du regard. Une chaussure noire à talon aiguille (pratique du SM ?). Trois petits paquets de drogue. Une robe de mariée, en satin rouge. Une hache. Un procès-verbal français. Un valet de cœur, trouvé inopinément dans la rue. Une peluche mille-pattes (je n’ai jamais aimé les mille-pattes). Dix raisons pour rester à Londres. Pour rester. Pour rester.
Tous ces performatifs des amours passés.
Et nos regards stériles. Ils lisent les narratifs : date de naissance, date de mort de l’amour. Des « nous étions si… » jusqu’aux « et je n’oublierai jamais… ». Et ça n’aurait pas de sens, pas de sens, ce musée, aux airs si voyeuristes, si ces amours mortes ne monteraient pas jusqu’à l’universel de la condition humaine pour descendre au fond de chacun des spectateurs.
L’air y est lourd. Nous y laissons nos désillusions.
novi tjedan : 4 / 4/ 16
Alpe su još bijele. Bijele, i ponekad plave kad svjetlost pada pod određenim kutom određenom temperaturom u određeni sat, tirkizno-plave su, na podlozi od srebrnih soli, plave i ravne jer smo visoko, visoko, i gnječimo zemlju, a razlike nestaju u monotoniji dalekog plavetnila.
Prvi korak po pisti. Zrak je vruć.
Zagreb su mirisi lipa i duhana u noći. Više nema dvojnosti. Sretna nostalgija in praesentia. Plivaš. Promatraš pukotine na pločnicima i anonimne krevete iza zavjesa u kojima vodiš ljubav u prošlom životu. Prolazi stari auto. Lijepe žene plešu. Inspire.
Zagreb je kad Francuska postane samo concept [lat. concipere, opaziti, dokučiti, shvatiti, primiti, zamisliti].
Muzej prekinutih veza
« Muzej prekinutih veza nastao je iz putujuće izložbe s konceptom propalih veza i njihovih ruševina. Za razliku od « destruktivnih » samopomagajućih uputa kako se oporaviti od neuspjele ljubavi, Muzej daje priliku svakome da prebrodi emocionalni slom na kreativan način : donacijom zbirci Muzeja. »
Zadaća iz matematike, tri roza papira na kockice, grafikoni i brojevi, iza prozirnog stakla u visini pogleda. Crna kožna salonka (SM ?). Tri paketića droge. Vjenčanica od crvenog satena. Sjekira. Policijski zapisnik na francuskom. Dečko herc, pronađen na cesti. Plišanac stonoga (nikad nisam voljela stonoge). Deset razloga za ostati u Londonu. Za ostati. Za ostati.
Svi ti performativi prošlih ljubavi.
I naši sterilni pogledi. Čitaju narative : datum rođenja, datum smrti ljubavi. Od « bili smo tako… » do « i nikad neću zaboraviti… ». To ne bi imalo nikakvog smisla, nikakvog smisla, jer taj muzej zvuči toliko voajeristički, kad se te mrtve ljubavi ne bi uspinjale do općenitosti ljudskih sudbina prije nego se sunovrate do svakog od posjetitelja.
Zrak je težak. U njemu ostavljamo svoja razočaranja.
Short-cuts (11)
Ne gaspillez pas vos rêves. / Nemojte tratiti svoje snove.
au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure
krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas
semaine du 28 / 3 / 16
…encore des morts des morts des morts des morts… et ce [R] français qui se roule, qui résonne comme un fracas de verre brisé… des morts jeunes, trop jeunes, par des dizaines, d’autres jeunes aux barricades, par des centaines, un bourreau de guerre en liberté, un avenir incertain, j’observe la nuit tomber sur le monde, bientôt l’époque des crépuscules flamboyants {qui brûle en produisant une vive lueur, des flammes}, partis Imre Kertész et Zaha Hadid, partis par milliers des visages anonymes, ailleurs. bientôt l’époque des crépuscules flamboyants {(par extension) qui produit une vive lueur, un éclat}, les feuilles seront vertes et les filles ôteront la poussière de l’hiver. la cigogne est revenue, grise et jaune, pour la quatorzième fois, vive l’amour l’amour l’amour. bientôt l’époque des crépuscules flamboyants {(par extension) qui est éclatant, remarquable dans son genre} et la mue des papillons, l’air sera plus doux, c’est si naturel, et je partirai vers la foule les grandes avenues le béton et le verre. puis je rentrerai. à la maison.
Le moment où Klepetan retrouve sa Malena
Zagreb (prélude)
Je rentre ou je retourne ? à Zagreb, mon Zagreb, dans ses rues imprégnées des rires de mon adolescence, parmi ses parcs ses fontaines ses tramways où on fraude, dans les ruptures de ses absences, de mes absences, sous la lumière nocturne et les odeurs de ses tilleuls (qu’Isabel aimait il y a dix ans, dix ans…), au nord, la montagne (où on embrassait les arbres, la nuit, avant Gordogane), au sud, la rivière, à l’est, la forêt, à l’ouest, la frontière, et au milieu, l’insupportablement connu, le mien, mais comme derrière un voile transparent et intouchable, formé des ailleurs, ou des années ailleurs, des ruptures de mes absences, et je le revendique, je le revendiquerai, mon Zagreb, ces sons gorgés de miel, Zagreb…
Max Servais
Restez immobiles devant cette femme, les yeux cachés par des cibles, dans la tête et dans le corps un millier d’individus anonymes (qui l’habitent ? qui la hantent ?), et qui dit « C’est un peu de rêve que vous gaspillez sur votre passage ». Voici des preuves, dixit Max Servais, écrivain de romans policiers et surréaliste belge discret quand ça fut la mode, voici des preuves, dans ce monde des images, des nouvelles si nouvelles, des faire et des avoir, plus de place pour des rêves ?
Se lever tôt, se coucher tard, le noir est doux, prenant et surprenant, les rêves se font rares et l’oubli bienveillant.
Ne gaspillez pas vos rêves.
novi tjedan : 28 / 3 / 16
… opet novi mrtvi mrtvi mrtvi mrtvi… s tim hrvatskim [R] koje se kotrlja, koje odjekuje poput razbijenog stakla… umrli su mladi, premladi, na desetke, dok su drugi mladi na barikadama, na stotine, a ratni krvnik na slobodi, budućnost je neizvjesna, gledam kako noć pada na svijet, skoro će početi doba plamenih sumraka, otišli su Imre Kertész i Zaha Hadid, otišli tisuće anonimnih lica, negdje drugdje. skoro će početi doba plamenih sumraka, lišće je zeleno a djevojke skidaju zimsku prašinu. Klepetan se vratio, siv i žut, po četrnaesti put, živjela ljubav ljubav ljubav (ne idem bez tebe). skoro će početi doba plamenih sumraka i preobrazbe gusjenica u leptire, zrak će biti blaži, a ja ću otići prema rijekama ljudi širokim avenijama betonu i staklu. i vratit ću se. kući.
Zagreb (preludij)
Vratit ću se Zagrebu, svom Zagrebu, u njegove ulice natopljene smijehom starih dana, u njegove parkove fontane i tramvaje u kojima ne plaćamo kartu, u pukotine njegove odsutnosti, mojih odsustava, pod noćna svjetla u mirisu lipa (Isabel je voljela lipe, prije deset godina, deset godina…), na sjeveru, planina (grlili smo stabla noću prije Gordogana), na jugu, rijeka, na istoku, šuma, na zapadu, granica, a u sredini, nepodnošljivo poznato, moje, no kao iza prozirnog vela, nedodirljivo, pukotine mojih odsutnosti, no Zagreb je moj, i bit će moj, kao ti slatki zvuci, Zagreb…
Max Servais
Zaustavite se načas pred ovom ženom, čije su oči skrivene iza meta, a u glavi i u tijelu tisuće osoba, anonimnih (koji ju nastanjuju ? koji ju opsjedaju ?), a ona kaže : « To malo snova što tratite na svom putu ». Evo vam dokaza, reče Max Servais, pisac krimića i diskretan belgijski nadrealist kad je to bilo u modi, evo vam dokaza, u tom svijetu slika, gužve, posjedovanja, rada, ima li još mjesta za snove ?
Rano ustati, kasno zaspati, mrak je blag, mekan i iznenađujuć, snovi su rijetki a zaborav dobrodošao.
Nemojte tratiti svoje snove.