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Short-cuts (42)

Et on est loin de tout ce qui peut faire mal. De tout ce qui fait mal. De tout… / I daleko smo od svega što može boljeti. Od svega što boli. Od svega...


semaine du 7 / 11 / 16

"Provisions pour la mémoire. Provisions pour la force."


L’Airbus A 319 entamera sa descente.

Le ciel est toujours bleu les bruits sont feutrés et on plane sur la douceur mensongère des nuages, on plane, immobiles d’apparence, dans une succession de paysages lointains : les carrés des champs, les sillons des rivières, les tâches d’eau, les pointes des Alpes, la neige, la terre est verte et marron et bleue et tellement tellement petite. Plus de frontières. Plus d’hommes. Le mouvement des yeux sur l’horizon dessine une ligne infinie. Plus de distances. Et on est loin de tout ce qui peut faire mal. De tout ce qui fait mal. De tout…

Dans la brume des particules fines se dessine une montagne. Un pic marque le sommet. Les paysages anonymes des terres du vieux continent s’effacent. Il est là, le centre. Derrière les hauteurs de la montagne dans la brume une ville se déploie. Entre la montagne et la rivière, et au-delà de la rivière, la mémoire d’un corps jeune dessine les chemins de vie dans la ville, les chemins de mémoire du corps aux yeux fermés. La ville est grise. Froide. Elle est et n’est pas belle. Elle est et n’est pas étrangère. Celle qui sera toujours celle qu’on appelle la sienne et une autre à la fois.


 
 

novi tjedan : 7 / 11 / 16

"Zalihe za sjećanje. Zalihe za snagu."


Airbus A 319 započet će slijetanje.

Nebo je uvijek plavo zvukovi utišani i lebdimo nad lažnom mekoćom oblaka, lebdimo, naizgled nepomični, u nizu dalekih krajeva : kvadrati polja, brazde rijeka, mrlje vode, vrhovi Alpa, snijeg, zemlja je zelena i smeđa i plava i toliko toliko malena. Nema više granica. Nema više ljudi. Pokret očiju po obzoru crta beskrajnu liniju. Nema više udaljenosti. I daleko smo od svega što može boljeti. Od svega što boli. Od svega...

U izmaglici lebdećih čestica pokazuje se planina. Toranj označava vrh. Nestaju anonimni pejzaži zemalja starog kontinenta. Ovdje je centar. Iza vrhova planine u magli pruža se grad. Između planine i rijeke, i dalje od rijeke, sjećanje mladog tijela ocrtava linije života u gradu, linije sjećanja tijela zatvorenih očiju. Grad je siv. Hladan. Lijep je i nije lijep. Stran je i nije stran. Onaj koji će uvijek biti onaj koji se zove svoj i tuđi istovremeno.

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Short-cuts (23)

Je ne sais pas si je t'ai jamais vraiment vu dans le noir. / Ne znam jesam li te ikada vidjela u tami.


au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure

krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas


semaine du 20 / 06 / 16

Le 21 juin à Belfast le jour dure dix-sept heures seize minutes et quarante-cinq secondes. 

Leurs nuages sont plus rapides que nos nuages et leurs écureuils sont parsemés de gris. Ils mangent du pop-corn à la vanille et à la noix de coco avec une pointe de sel. Leur mer n’est pas loin. Bleue et terne, elle emporte les marchandises et les marins aux barbes rouillées vers d’autres terres de leur reine. On entend un violon dans ma tête. La ville est froide et effervescente. Should I stay or should I go ? Ils ont peur. Ils ont raison. La brique orange et noire monte vers le ciel. Leur mur n’est pas encore tombé. Sur les hauteurs, des fils barbelés. Il n’y a pas de vainqueurs dans la guerre. Il n’y a que des morts, des murailles et des fleurs artificielles du mauvais goût qui ne faneront jamais.

 

Le 21 juin à Orléans le jour dure seize heures une minute et cinquante-trois secondes.

Faites de la musique. Les jours sont trop noirs les parcours cadencés les armes dans la rue les rivières hors leurs lits (inspire) Les transports en commun sentent mauvais les gens ne sourient plus invitation à la danse c’est un bal masqué (pause : inspire, expire, regarde le ciel, inspire) On tourne on se mélange les verres brisés les feuilles vertes mortes sur le coup l’air est tiède on étouffe on se noie (un deux trois) La réalité ne vous intéresse pas ? (attends) La réalité ne vous intéresse pas ? (attends) Travaux. Renouvellement. Fenêtres ouvertes. Jardinières en terra cota. Un courant d’air. (pensées) Une voix grave et aux R étrangers déclame le poème de Robert Desnos. L’été arrive.

 

Le 21 juin à Zagreb le jour dure quinze heures quarante-trois minutes et quarante secondes.

Je ne sais pas si je t'ai jamais vraiment vu dans le noir. Si tu ne te dépêches pas, on sera en retard. La nuit tombe. C’est l’heure. Il a plu ce matin et le sol est moite et mou, oui. Les brins d’herbe me chatouillent les plantes des pieds. Tu m’achèteras une barbe à papa rose ? Tu ne dis rien. Les manèges commencent à s’illuminer. La couleur des frontières de notre monde est granuleuse. Technicolor 1970. Odeur de l’huile à friture. Les enfants crient de joie ou de fatigue, les parents s’oublient dans des verres à bière plastiques. Un millier de petites lanternes lumineuses jette sur les berges les couleurs arc-en-ciel. Quand on s’éloigne de la fête, on s’aperçoit que la terre est froide et les moustiques nombreux. La rivière coule. On entend les premiers tacts de Beethoven. Le feu d’artifice commence.


 
 

novi tjedan : 20 / 06 / 16

21. lipnja u Belfastu dan traje sedamnaest sati šesnaest minuta i četrdeset pet sekundi.

Njihovi su oblaci brži od naših oblaka a njihove su vjeverice djelomično sive. Jedu kokice s okusom vanilije i kokosa i prstohvatom soli. Njihovo more nije daleko. Plavo je i mutno, te odvodi robu i mornare zahrđalih brada prema drugim zemljama njihove kraljice. U mojoj glavi čuje se violina. Grad je hladan i pun života. Should I stay or should I go ? Boje se. S razlogom. Crvene i crne cigle penju se prema nebu. Njihov zid još nije pao. Bodljikave žice na visinama. U ratovima nema pobjednika. Ima samo mrtvih, i zidova, i neukusnog umjetnog cvijeća koje nikada ne vene.

 

21. lipnja u Orléansu dan traje šesnaest sati jednu minutu i pedeset tri sekunde.

Svirajte i volite se. Dani su crni putevi isprekidani oružje na ulici rijeke izvan korita (udahni) Javni prijevoz smrdi ljudi se ne smiju poziv na ples priprema se bal (pauza : udahni, izdahni, pogledaj u nebo, udahni) Vrtimo se miješamo se razbijene čaše zeleno mrtvo lišće zrak je mlačan gušimo se topimo se (jedan dva tri) Stvarnost vas ne zanima ? (čekaj) Stvarnost vas ne zanima ? (čekaj) Radovi. Obnova. Otvoreni prozori. Lončanice od gline. Propuh. (misli) Duboki glas sa stranim izgovorom recitira pjesmu Roberta Desnosa. Dolazi ljeto.

 

21. lipnja u Zagrebu dan traje petnaest sati četrdeset tri minute i četrdeset sekundi.

Ne znam jesam li te ikada vidjela u tami. Ako ne požuriš, zakasnit ćemo. Pada noć. Vrijeme je. Ujutro je kišilo i tlo je vlažno i mekano, da. Vlati trave škakljaju me po tabanima. Kupi mi šećernu vatu. Šutiš. Pale se svjetla na ringišpilima. Boje granica našeg svijeta su zrnaste. Tehnikolor 1970. Miris ulja za prženje. Djeca viču od radosti ili umora, roditelji se zaboravljaju u plastičnim čašama za pivo. Tisuće svijetlećih lampica bacaju dugine boje na obalu. Dalje od mnoštva zemlja je hladna a komarci u rojevima. Rijeka teče. Čuju se prvi taktovi Beethovena. Počinje vatromet.

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Short-cuts (19)

Il est où, le centre ? / Gdje je centar ?


au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure

krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas


semaine du 23 / 5 / 16

Il est où, le centre ?

La surface blanche de l’écran reflète ces mots en devenir. Un texte se construit. Il est 21h47. A droite, une fenêtre. Sale. Les pluies sont abondantes et l’air n’est pas pur. Derrière la fenêtre, à une vingtaine de mètres, un cèdre du Liban et un conifère inconnu. Le ciel a la couleur des poils de Matchka. La nuit n’est pas loin. C’est fascinant. Au-dessus de l’écran, dans la vitrine, des livres (mon autoportrait photomaton comme marque-page dans Freud), des colliers de perles translucides et deux polaroids. Son visage. Mes mains (ses mains ?). Sous la fenêtre, huit orchidées. Elles ne fleurissent jamais. Des papiers par terre, un trépied, les affaires du yoga, les copies à corriger (ils ont fait des efforts, c’est lisible). Une chaise en formica rouge ramassée dans la rue. Un tube de crème pour les mains à moitié vide. J’ai envie d’une cigarette. A gauche, la pile des livres à lire, Détruire dit-elle. Sur la fiche bristol un rappel, écrire à T., et les dates d’arrosage des orchidées. Pieds nus. Cheveux mouillés. Quelques douleurs musculaires. Il est 22h01. Le cèdre est en voie de disparition. Dans un album photo transparent, des autoportraits (je m’apprivoise). Un dessin du 3 avril 1996 scotché sur le mur. Un mot de ma grand-mère, des billets de théâtre, deux tulipes ratés en noir et blanc qui font un diptyque satisfaisant. Trop de détails épuiseront le détail. Fauré dans la tête. Dictionnaire des synonymes. Un tas de tickets de carte bleue (« carte bleue », c’est poétique). Le train partira à 7h59.

Il est où, le centre ?

Les fins mai sont mes préférés. Zagreb sent l’herbe coupée, le pop-corn et le bitume chaud. Les dernières semaines avant les vacances. Sur nos lèvres s’installe la torpeur du soleil et le goût des premières glaces. Zagreb vibre. Le festival des arts de la rue, Cest is d’best, fera déployer dans mes rues et sur mes places des cracheurs de feu, des acrobates, des illusionnistes, des one-man bands, une course des éboueurs, des nuits blanches, des promeneurs, des touristes, des aventures. Zagreb est un souvenir ouvert, un artifice, un feu d’artifice qui fait mal. Concentre-toi sur le centre. Il paraît que désormais on a le droit de passer du temps sur les pelouses en centre-ville. Qu’ils ont ouvert les pelouses au peuple. Moi, les pelouses, il n’y avait que des chiens et des tiques. Sur les contours de la ville haute, une guinguette. On boit du vin dans des verres en plastique, les pieds sur la rambarde les châtaigniers réduisant l’horizon. J’ai envie d’une cigarette. A un moment, les nuits deviendront subitement plus douces et on sortira pieds nus, cou dégagé. Fin mai, le temps n’est pas trompeur, et les pluies ne peuvent être que chaudes, brumeuses, moites. Le cycle annuel est doucement monotone et si la fin s’approche, elle est encore assez loin pour n’être qu’un mot. Tout est encore possible. Tout est encore possible. Attends-moi.

Il est où, le centre ?

Je plagie mon expérience d’exilée. Je suis comme tant d’autres exilés partis vers l’occident, pour l’amour, pour l’argent, pour la reconnaissance, pour rien, et je traîne avec moi ce Zagreb dans la brume du 9 septembre 2009. Ma langue maternelle est atrophiée, figée dans une pensée avant-gardiste qui ne connaît par l’exil. Elle peine à exprimer le changement. Ma langue adoptive manque d’élan que procurent les souvenirs d’un apprentissage de la vie. Elle m’objectivise. Elle me dédouble et je me parle désormais à la deuxième personne.

Il y a trop de je partout et le centre se déplace avec des clichés linguistiques.



novi tjedan : 23 / 5 / 16

Gdje je centar ?

Bijela površina ekrana sjaji nad riječima. Nastajanje teksta. Točno je 21h47. S desna, prozor. Prljav. Kiše su obilne a zrak nije čist. Iza stakla, na dvadesetak metara, libanonski cedar i nepoznato zimzeleno drvo. Nebo je boje Mačkinih dlaka. Noć nije daleko. To mi je fascinantno. Iznad ekrana, u vitrini, knjige (moj autoportret s fotoautomata kao bookmark u Freudu), ogrlice od prozirnih perli i dva polaroida. Njeno lice. Moje ruke (njene ruke?). Ispod prozora osam orhideja. Nikada ne cvatu. Na podu papiri, tronožac, stvari za jogu, ispiti za ispraviti (potrudili su se, čitko je). Crvena plastična stolica koju sam pokupila na cesti. Napola prazna krema za ruke. Pasala bi mi jedna cigareta. S lijeva, nepročitane knjige, Marguerite Duras. Karton A6 na kockice s podsjetnikom, pisati T., i datumima kupanja orhideja. Bose noge. Mokra kosa. Mjestimični bolovi u mišićima. Točno je 22h01. Cedar polako nestaje. U prozirnom fotoalbumu, autoportreti (pripitomljujem se). Crtež (3. travnja 1996.) priboden na zid. Par riječi od Nane, karte iz kazališta, dva loša crnobijela tulipana koji čine zadovoljavajući diptih. Previše detalja iscrpit će detalj. Gabriel Fauré u glavi. Rječnik sinonima. Hrpica računa (kreditna kartica je na francuskom « plava karta »). Vlak odlazi u 7h59.

Gdje je centar ?

Najviše volim krajeve svibnja. Zagreb miriše na pokošenu travu, kokice i topli asfalt. Zadnji tjedni prije praznika. Na usnama nam se sjaji toplina sunca i okusi prvih sladoleda. Zagreb uživa. Počet će Cest is d’best i na ulice i trgove izaći će gutači vatre, akrobati, mađioničari, one-man bendovi, utrka smetlara, budne noći, šetači, turisti, miris avanture. Zagreb je otvorena uspomena, vatromet koji boli. Koncentriraj se na centar. Čini se da odsad smijemo ležati na travi u centru. Da su trave dostupne ljudima. Prije su na travama bili samo psi i krpelji. Na zidinama Gornjeg grada koncerti. Pijemo vino u plastičnim čašama, noge na ogradi dok kesteni zaklanjaju pogled. Pasala bi mi jedna cigareta. U jednom će trenu noći naglo postati toplije, izaći ćemo bosih nogu i golih vratova. Krajem svibnja vrijeme se mijenja i kiše su tople, mirisne i vlažne. Godišnji ciklus ugodno je monoton i makar je kraj blizu, dovoljno je daleko da ostaje samo riječ. Sve je još moguće. Sve je još moguće. Čekaj me.

Gdje je centar ?

Plagiram svoje iskustvo egzila. Ja sam poput toliko drugih emigranata koji su se uputili prema zapadu, za ljubav, za novce, za uspjeh, za ništa, i vučem za sobom taj Zagreb u magli 9. rujna 2009. Moj prvi jezik je atrofiran, zamrznut u avangardnoj misli koja ne poznaje egzil. Muči se izraziti promjenu. Moj usvojeni jezik nema elana koji bi mu dale uspomene na vježbanje života. Čini me objektivnom. Udvostručuje me i odsad si govorim u drugom licu.

Previše je mene posvuda a centar se pomiče s jezičnim klišejima.

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Short-cuts (13)

Tu as deux heures ma belle pour changer de vie. / Imaš dva sata, draga, za promijeniti život.


au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure

krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas


semaine du 11 / 4 / 16

Tu as deux heures ma belle pour changer de vie.

Altitude : 11 400 mètres. Vitesse : 800 km/h. Température extérieure : environ -40°C. Conditions météorologiques : plutôt favorables. Trajectoire : Croatie-Slovénie-Italie-Suisse-France. Placement : rangée droite, hublot, arrière. Siège vide à côté. Soleil en pleine figure. Pas désagréable. Aucun journal croate à disposition. Sandwich dinde-salade verte-cornichons-fromage frais au piment doux. Café, lait + sucre. Pas très bon. Deux serviettes en papier, rouges. 27 copies à corriger. Demain, peut-être. J’appelle J. avant le décollage. Nous ferons un documentaire sur le Bach d’Isabel. Sa voix est grave et cristalline et proche et lointaine. Rarement dans le même pays. Nous nous séparons du sol. Zagreb est du mauvais côté. Aucun point d’attache. Je pars. A chaque fois comme une odeur de fatalité.

Tu as deux heures ma belle pour changer de vie.

Dans la tête (liste non exhaustive et fluide) : pelinkovac de samedi soir (à l’ombre des jeunes filles en fleurs) / tahini / Anna Calvi à Zagreb quand je n’y serai pas / Rundek Cargo Trio à Zagreb quand je n’y serai pas / Barthes et Gide / ma petite M. devenue grande, sur 24 clichés argentiques, pellicule trop rouge / hôtel Palace / vinyasa flow / je ne lis pas assez / plusieurs milliers de Croates pieux à faire la queue pour voir la dépouille d’un saint (on dit "dépouille" pour un saint ?) / rentrer à pied à deux heures du matin comme jadis / copies à corriger / toujours pas de réponse de Paris Descartes / oublié d’acheter une carte postale / il y en a qui font de la politique, il y en a qui font des idéologies / concentre-toi sur les mots

 

Lost in translation

Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde. (dixit Wittgenstein)

Depuis huit jours je traduis Leslie Kaplan en croate. Louise, elle est folle. C’est un texte plutôt concret. Plutôt simple. Des mots, des syntagmes, une interaction, rarement des phrases entières. Or je peine à trouver des parallèles. On a volé mes mots. On a desséché la profondeur de mes synonymes. Ce qui fait tellement sens en français résonne artificiellement en croate.

L’hypothèse Sapir-Whorf affirme que notre perception du monde dépend de notre langage : le rôle de celui-ci dans nos représentations mentales – théorie qui flirte gentiment avec le relativisme anthropologique – serait d’organiser les frontières dans notre système de penser le monde. Est alors évoqué le fameux exemple de la langue inuit qui dispose de plusieurs dizaines de mots pour dire "neige" : neige qui tombe, neige sur le sol, neige cristalline sur le sol, neige ci, neige ça… Ou alors l’inexistence dans la langue française de l’équivalent, en un seul mot, de l’anglais cheap (car en français on n’est pas cheap on est chic…).

Mais que fait-on lorsqu’on a deux langues, chers Messieurs S&W ? A-t-on deux mondes ? Un monde scindé en deux ? Avez-vous pensé, Messieurs S&W, aux efforts à fournir afin de se construire une identité between ? A une frustration existentielle lorsqu’un ne peut, on ne peut car on manque de mots qui font sens dans les tripes, on ne peut traduire en français l’odeur des tilleuls à Zagreb à trois heures du matin après quatre verres de pelinkovac sur glace aux citrons ? Ou une autre frustration existentielle, lorsqu’on ne peut traduire en croate les rêves d’amour de Desnos, plus qu’une ombre, avant la mort in extremis à Theresienstadt ? Que peut-on faire ? Que peut-on faire ?

Tu as deux heures ma belle pour changer de vie.



novi tjedan : 11 / 4 / 16

Imaš dva sata, draga, za promijeniti život.

Visina: 11 400 metara. Brzina: 800 km/h. Vanjska temperatura: oko -40°C. Meteorološki uvjeti: prilično povoljni. Kurs: Hrvatska-Slovenija-Italija-Švicarska-Francuska. Mjesto: desla strana, do prozora, straga. Prazno sjedalo do. Sunce u oči. Nije neugodno. Na raspolaganju nema hrvatskih novina. Sendvič puretina-salata-kiseli krastavci-svježi sir s crvenom paprikom u prahu. Kava, mlijeko + šećer. Nije baš nešto. Dvije crvene salvete. 27 ispita za ispraviti. Sutra, možda. Zovem J. prije polijetanja. Snimit ćemo dokumentarac o I. i B. Glas joj je dubok i kristalan i blizak i dalek. Rijetko u istoj zemlji. Odvajamo se od tla. Zagreb je s krive strane. Nemam se za što primiti. Odlazim. Svakog puta kao osjećaj fatalnosti.

Imaš dva sata, draga, za promijeniti život.

U glavi (fluidan i nepotpun popis): pelinkovac od subote navečer (u sjeni rascvjetalih djevojaka) / tahini / Anna Calvi u Zagrebu kad ja nisam / Rundek Cargo Trio u Zagrebu kad ja nisam / Barthes i Gide / moja mala M. je postala velika, na 24 analogne i precrvene fotke / hotel Palace / vinyasa flow / ne čitam dovoljno / više tisuća pobožnih Hrvata u redu za susret s ostacima sveca (kaže li se "ostaci" za sveca?) / vraćati se pješice doma u dva ujutro kao nekad / ispiti za ispravljati / i dalje nema odgovora s Paris Descartesa / zaboravila kupiti razglednicu / neki se bave politikom, a neki ideologijama / koncentriraj se na riječi

 

Lost in translation

Granice moga jezika granice su moga svijeta. (kaže Wittgenstein)

Već osam dana prevodim Leslie Kaplan na hrvatski. Louise, elle est folle ili Louise je luda. Tekst je prilično konkretan. Uglavnom jednostavan. Riječi, sintagme, dijalog, rijetko cijele rečenice. No mučim se tražeći paralele. Ukradene su mi riječi. Isušene su dubine mojih sinonima. Ono što ima toliko smisla na francuskom zvuči umjetno na hrvatskom.

Sapir-Whorfova hipoteza tvrdi da naša percepcija svijeta ovisi o našem jeziku: njegova uloga u mentalnom poimanju stvarnosti – teorija koja simpatično flerta s antropološkim relativizmom – ostvaruje se u organiziranju granica našeg načina promišljanja svijeta. Evociraju se onda deseci različitih termina za snijeg u inuitskom: snijeg koji pada, snijeg na tlu, kristalni snijeg na tlu, snijeg ovako, snijeg onako... Ili nedostatak, u francuskom, riječi jeftino, koja se treba parafrazirati složenijim sintagmama (kad u francuskom ništa nije cheap, sve je chic...)

No što onda, draga gospodo S&W kada imamo dva jezika? Imamo li i dva svijeta? Jedan rascijepani svijet? Jeste li uopće pomislili, gospodo S&W, na napore koji se trebaju uložiti kako bi se izgradio identitet between? Na egzistencijalnu frustraciju kad ne možemo, ne možemo jer nam nedostaje riječi u dubini svog bitka, ne možemo na francuski prevesti miris lipa u Zagrebu u tri u noći nakon četiri čaše pelinkovca s ledom i limunom? Ili jednu drugu egzistencijalnu frustraciju, kad ne možemo na hrvatski prevesti snove o Desnosovoj ljubavi, Desnos koji nije veći od sjene čas prije smrti in extremis u Theresienstadtu? Što možemo napraviti? Što možemo napraviti?

Imaš dva sata, draga, za promijeniti život.

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Short-cuts (12)

Tous ces performatifs des amours passés. / Svi ti performativi prošlih ljubavi.


au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure

krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas


semaine du 4 / 4 / 16

Elles sont blanches, encore, les Alpes. Blanches, et parfois bleues lorsque la lumière tombe à un certain degré à une certaine heure à une certaine température, elles sont bleu turquoise même, sur le support aux sels d’argent, bleues et plates car on est haut, haut, et on écrase la terre, et les disparités disparaissent dans la platitude du bleu lointain.

Le premier pas sur le tarmac. L’air est chaud.

Zagreb, c’est la nuit, l’odeur des tilleuls et du tabac. Plus de dualités. Une nostalgie heureuse, in praesentia. Tu nages. Tu regardes les fissures sur les trottoirs et des lits anonymes derrière les rideaux où tu faisais l’amour dans une autre vie. Une vieille voiture passe. Les jolies femmes dansent. Inspire.

Zagreb, c’est quand la France n’est plus qu’un concept [vue de l’esprit, idée qu’en se fait d’une chose en la détachant de son objet réel].

 

Le Musée des cœurs brisés

« Le Musée des cœurs brisés a été créé à partir d’une exposition itinérante autour du thème de relations qui ont échoué et de ce qu’elles ont laissé derrière elles. A l’opposé de recommandations « destructives » des discours de développement personnel pour faire face au chagrin et à la perte, le Musée offre l’opportunité de surmonter l’effondrement émotionnel par la création : en contribuant à la collection du Musée. »

Un devoir de maths, trois feuilles roses à carreaux, des graphes et des chiffres, derrière un cadre transparent à la hauteur du regard. Une chaussure noire à talon aiguille (pratique du SM ?). Trois petits paquets de drogue. Une robe de mariée, en satin rouge. Une hache. Un procès-verbal français. Un valet de cœur, trouvé inopinément dans la rue. Une peluche mille-pattes (je n’ai jamais aimé les mille-pattes). Dix raisons pour rester à Londres. Pour rester. Pour rester.

Tous ces performatifs des amours passés.

Et nos regards stériles. Ils lisent les narratifs : date de naissance, date de mort de l’amour. Des « nous étions si… » jusqu’aux « et je n’oublierai jamais… ». Et ça n’aurait pas de sens, pas de sens, ce musée, aux airs si voyeuristes, si ces amours mortes ne monteraient pas jusqu’à l’universel de la condition humaine pour descendre au fond de chacun des spectateurs.

L’air y est lourd. Nous y laissons nos désillusions.



novi tjedan : 4 / 4/ 16

Alpe su još bijele. Bijele, i ponekad plave kad svjetlost pada pod određenim kutom određenom temperaturom u određeni sat, tirkizno-plave su, na podlozi od srebrnih soli, plave i ravne jer smo visoko, visoko, i gnječimo zemlju, a razlike nestaju u monotoniji dalekog plavetnila.

Prvi korak po pisti. Zrak je vruć.

Zagreb su mirisi lipa i duhana u noći. Više nema dvojnosti. Sretna nostalgija in praesentia. Plivaš. Promatraš pukotine na pločnicima i anonimne krevete iza zavjesa u kojima vodiš ljubav u prošlom životu. Prolazi stari auto. Lijepe žene plešu. Inspire.

Zagreb je kad Francuska postane samo concept [lat. concipere, opaziti, dokučiti, shvatiti, primiti, zamisliti].

 

Muzej prekinutih veza

« Muzej prekinutih veza nastao je iz putujuće izložbe s konceptom propalih veza i njihovih ruševina. Za razliku od « destruktivnih » samopomagajućih uputa kako se oporaviti od neuspjele ljubavi, Muzej daje priliku svakome da prebrodi emocionalni slom na kreativan način : donacijom zbirci Muzeja. »

Zadaća iz matematike, tri roza papira na kockice, grafikoni i brojevi, iza prozirnog stakla u visini pogleda. Crna kožna salonka (SM ?). Tri paketića droge. Vjenčanica od crvenog satena. Sjekira. Policijski zapisnik na francuskom. Dečko herc, pronađen na cesti. Plišanac stonoga (nikad nisam voljela stonoge). Deset razloga za ostati u Londonu. Za ostati. Za ostati.

Svi ti performativi prošlih ljubavi.

I naši sterilni pogledi. Čitaju narative : datum rođenja, datum smrti ljubavi. Od « bili smo tako… » do « i nikad neću zaboraviti… ». To ne bi imalo nikakvog smisla, nikakvog smisla, jer taj muzej zvuči toliko voajeristički, kad se te mrtve ljubavi ne bi uspinjale do općenitosti ljudskih sudbina prije nego se sunovrate do svakog od posjetitelja.

Zrak je težak. U njemu ostavljamo svoja razočaranja.

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Short-cuts (11)

Ne gaspillez pas vos rêves. / Nemojte tratiti svoje snove.


au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure

krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas


semaine du 28 / 3 / 16

…encore des morts des morts des morts des morts… et ce [R] français qui se roule, qui résonne comme un fracas de verre brisé… des morts jeunes, trop jeunes, par des dizaines, d’autres jeunes aux barricades, par des centaines, un bourreau de guerre en liberté, un avenir incertain, j’observe la nuit tomber sur le monde, bientôt l’époque des crépuscules flamboyants {qui brûle en produisant une vive lueur, des flammes}, partis Imre Kertész et Zaha Hadid, partis par milliers des visages anonymes, ailleurs. bientôt l’époque des crépuscules flamboyants {(par extension) qui produit une vive lueur, un éclat}, les feuilles seront vertes et les filles ôteront la poussière de l’hiver. la cigogne est revenue, grise et jaune, pour la quatorzième fois, vive l’amour l’amour l’amour. bientôt l’époque des crépuscules flamboyants {(par extension) qui est éclatant, remarquable dans son genre} et la mue des papillons, l’air sera plus doux, c’est si naturel, et je partirai vers la foule les grandes avenues le béton et le verre. puis je rentrerai. à la maison.

Le moment où Klepetan retrouve sa Malena

Zagreb (prélude)

Je rentre ou je retourne ? à Zagreb, mon Zagreb, dans ses rues imprégnées des rires de mon adolescence, parmi ses parcs ses fontaines ses tramways où on fraude, dans les ruptures de ses absences, de mes absences, sous la lumière nocturne et les odeurs de ses tilleuls (qu’Isabel aimait il y a dix ans, dix ans…), au nord, la montagne (où on embrassait les arbres, la nuit, avant Gordogane), au sud, la rivière, à l’est, la forêt, à l’ouest, la frontière, et au milieu, l’insupportablement connu, le mien, mais comme derrière un voile transparent et intouchable, formé des ailleurs, ou des années ailleurs, des ruptures de mes absences, et je le revendique, je le revendiquerai, mon Zagreb, ces sons gorgés de miel, Zagreb…

 

Max Servais

Restez immobiles devant cette femme, les yeux cachés par des cibles, dans la tête et dans le corps un millier d’individus anonymes (qui l’habitent ? qui la hantent ?), et qui dit « C’est un peu de rêve que vous gaspillez sur votre passage ». Voici des preuves, dixit Max Servais, écrivain de romans policiers et surréaliste belge discret quand ça fut la mode, voici des preuves, dans ce monde des images, des nouvelles si nouvelles, des faire et des avoir, plus de place pour des rêves ?

Se lever tôt, se coucher tard, le noir est doux, prenant et surprenant, les rêves se font rares et l’oubli bienveillant.

Ne gaspillez pas vos rêves.



novi tjedan : 28 / 3 / 16

opet novi mrtvi mrtvi mrtvi mrtvi… s tim hrvatskim [R] koje se kotrlja, koje odjekuje poput razbijenog stakla… umrli su mladi, premladi, na desetke, dok su drugi mladi na barikadama, na stotine, a ratni krvnik na slobodi, budućnost je neizvjesna, gledam kako noć pada na svijet, skoro će početi doba plamenih sumraka, otišli su Imre Kertész i Zaha Hadid, otišli tisuće anonimnih lica, negdje drugdje. skoro će početi doba plamenih sumraka, lišće je zeleno a djevojke skidaju zimsku prašinu. Klepetan se vratio, siv i žut, po četrnaesti put, živjela ljubav ljubav ljubav (ne idem bez tebe). skoro će početi doba plamenih sumraka i preobrazbe gusjenica u leptire, zrak će biti blaži, a ja ću otići prema rijekama ljudi širokim avenijama betonu i staklu. i vratit ću se. kući.

 

Zagreb (preludij)

Vratit ću se Zagrebu, svom Zagrebu, u njegove ulice natopljene smijehom starih dana, u njegove parkove fontane i tramvaje u kojima ne plaćamo kartu, u pukotine njegove odsutnosti, mojih odsustava, pod noćna svjetla u mirisu lipa (Isabel je voljela lipe, prije deset godina, deset godina…), na sjeveru, planina (grlili smo stabla noću prije Gordogana), na jugu, rijeka, na istoku, šuma, na zapadu, granica, a u sredini, nepodnošljivo poznato, moje, no kao iza prozirnog vela, nedodirljivo, pukotine mojih odsutnosti, no Zagreb je moj, i bit će moj, kao ti slatki zvuci, Zagreb…

 

Max Servais

Zaustavite se načas pred ovom ženom, čije su oči skrivene iza meta, a u glavi i u tijelu tisuće osoba, anonimnih (koji ju nastanjuju ? koji ju opsjedaju ?), a ona kaže : «  To malo snova što tratite na svom putu ». Evo vam dokaza, reče Max Servais, pisac krimića i diskretan belgijski nadrealist kad je to bilo u modi, evo vam dokaza, u tom svijetu slika, gužve, posjedovanja, rada, ima li još mjesta za snove ?

Rano ustati, kasno zaspati, mrak je blag, mekan i iznenađujuć, snovi su rijetki a zaborav dobrodošao.

Nemojte tratiti svoje snove.

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